Lawsuit brought by the comte de Clermont against the duc d'Anjou (1987-89)

  • Introduction
  • Ruling (1988)
  • Comments by G. Poulon
  • Ruling by the Appeals Court (1989)
  • Comments by G. Poulon
  • Introduction

    In 1987, Henri d'Orléans, comte de Clermont, sued Alphonse de Bourbon Dampierre, duc d'Anjou, and asked the court to prevent him from using the title of duc d'Anjou and the plain arms of France, and to fine him 50 000F (about $8,000) per violation. In 1988, Ferdinand de Bourbon, duc de Castro, and Sixte Henri de Bourbon Parme, joined the suit and made the same demand relative to the title (but not to the arms). The lawsuit was rejected on 21 Dec 1988. The comte de Clermont appealed in March 1989 and lost. What follows is the text of the rulings as published in the Gazette du Palais (18 march 1989, 8 march 1990), accompanied by the comments of G. Poulon, président de chambre honoraire à la cour de Paris.

    Tribunal de grande instance de Paris (1re Ch.)

    21 décembre 1988

    Présidence de M. Diet

    Prince Henri Philippe Pierre Marie d'Orléans et autres c. Prince Alphonse de Bourbon


    NOM ET PRENOMS. - TITRES NOBILIAIRES ET ARMOIRIES. - CONTESTATION. - QUALITÉ POUR AGIR.

    Les titres nobiliaires supprimés par les révolutions de 1789 et de 1848 et rétablis par le décret du 27 janvier 1852, ne peuvent être régulièrement portés et ne peuvent être donnés à leurs titulaires dans les actes d'état-civil qu'en vertu d'un arrêté d'investiture pris par le Garde ces Sceaux en application de l'acte royal ou impérial qui les a, à l'origine, conférés.

    Une action en justice ne pouvant être introduite que par celui qui y a un intérêt certain, un titre de noblesse ne peut être défendu contre toute usurpation que par celui qui en dispose lui-même dans les conditions rappelées ou qui fait partie d'une famille à laquelle a été de la même manière exclusivement reconnue cette distinction honorifique.

    En l'espèce, Henri d'Orléans, fils aîné du Comte de Paris, ne détient pas le titre de Duc d'Anjou qu'il ne revendique d'ailleurs pas, et qui selon la tradition de la Maison de Bourbon était conféré au deuxième ou troisième fils ou petit-fils du Roi.

    Ce titre qui a été notamment porté jusqu'à son avènement au trône d'Espagne en 1700 par Philippe de France, petit-fils cadet de Louis XIV, a été concédé en dernier lieu par Louis XV à son deuxième petit-fils Louis, Stanislas, Xavier, futur Louis XVIII, puis a été aboli par l'effet du décret de l'Assemblée nationale constituante du 19 juin 1790; depuis les mesures de rétablissement des titres de noblesse au XIXe siècle, il est constant que le titre de Duc d'Anjou n'a fait l'objet d'aucune collation '- sans qu'il soit nécessaire d'examiner si, en vertu d'une prétendue « coutume républicaine », le chef de la Maison d'Orléans aurait le pouvoir de conférer ce titre, force est de constater que le Comte de Paris, non appelé en la cause, n'a pas estimé devoir intervenir à la présente instance.

    En réalité, la survivance actuelle de ce titre, considéré en l'état comme « indisponible » par les parties intervenantes et comme seulement «d'attente» ou de « courtoisie » par le défendeur, ne pourrait être vérifié, conformément aux dispositions du décret du 10 janvier 1872, que par le Garde des Sceaux éventuellement saisi, après avis du Conseil d'Administration de la Chancellerie; dans ces conditions Henri d'Orléans doit être déclaré irrecevable à agir en défense du titre de Duc d'Anjou sur lequel il n'établit pas que lui-même ou sa famille ait des droits ; il doit en être de même quant à Ferdinand de Bourbon-Siciles et Sixte-Henri de Bourbon-Parme, qui ne justifient pas davantage d'un intérêt à intervenir.

    Les armoiries sont des marques de reconnaissance accessoires du nom de famille auquel elles se rattachent indissolublement, que cette famille soit ou non d'origine noble.

    Il s'ensuit que les armoiries sont l'attribut de toute la famille, et qu'elles jouissent de ia même protection que le nom lui-même.


    Le Tribunal. - Exposant que « dans la tradition des apanages le titre de Duc d'Anjou, dépendant exclusivement de la Maison de France ne pouvait être attribué que par le chef de celle-ci » et que Philippe, petit-fils de Louis XIV, qu'il avait reçu de son grand-père, y avait définitivement renoncé pour lui-même et sa descendance en accédant en 1700 au trône d'Espagne sous le nom de Philippe V, Henri d'Orléans a, par acte du 31 août 1987, assigné Alphonse ce Bourbon pour que le Tribunal lui interdise sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée de porter ce titre, et d'arborer « les armes pleines de la Maison de France ».

    Dans des conclusions de débouté du 26 février 1988, Alphonse de Bourbon réplique que seul des princes d'Orléans, Philippe -second fils de Louis XIII avait porté avant de l'abandonner pour celui de Duc d'Orléans en 1660, le titre de Duc d'Anjou qui, depuis cette date, n'avait été conféré qu'à des descendants de Louis XIV. Il soutient que les Bourbons d'Espagne, désignés aussi sous le nom de Bourbon-Anjou, et dont les armes par autorisation royale sont accompagnées depuis 1700 de celles d'Anjou, n'ont porté le titre en litige, après la chute de la monarchie française qu'en tant que « titre de courtoisie ».

    Alphonse de Bourbon soulignant qu'Henri d'Orléans ne verse aux débats pour appuyer sa thèse aucun acte de collation de ce titre dont la vérification serait au demeurant de la compétence des seules autorités administratives, fait valoir que la demande tend en réalité à faire reconnaître au chef de la Maison d'Orléans, simple particulier au regard des lois de la République, le pouvoir d'octroyer des marques d'honneur et de distinction qui relève des prérogatives d'un Chef d'Etat.

    Il s'estime enfin bien fondé à porter les armes pleines composées de « 3 fleurs de lys d'or, deux et un sur champ d'azur » de la Maison de Bourbon que les Bourbons d'Espagne ont adoptées lorsqu'ils sont devenus les ainés de celle-ci à la mort du Comte de Chambord le 24 août 1883.

    Il soutient que ces armes, d'ailleurs incluses avec une brisure dans celles du Roi Juan Carlos d'Espagne qui appartient à une branche cadette, ne sont plus l'emblème de l'Etat français depuis 1830, mais revêtent désormais un caractère privé, de sorte que leur dévolution et leur usage obéissent au droit commun des armoiries.

    Henri d'Orléans par conclusions du 27 avril 1988 précise qu'il fonde son action « sur une coutume incontestable » en vertu de laquelle seraient reconnus par la République, au moins depuis l'abrogation de la loi d'exil, les titres attachés jadis aux apanages dépendant de l'ancienne Couronne de France et conférés par le Chef de la « Maison de France ».

    Il affirme que si le titre de Duc d'Anjou n'avait pas été attribué par ce dernier il n'en avait pas moins vocation à l'être, ce qui, par application des règles de l'ancienne monarchie justifierait l'opposition à ce qu'un prince étranger, fût-il un Bourbon, le portât en France.

    Henri d'Orléans prétend de même qu'un prince étranger ne saurait s'approprier lesdites armes qui, tout en n'emportant pas la reconnaissance d'un régime monarchique, seraient le « symbole de la France ».

    Le 18 mai 1988, Alphonse de Bourbon conclut à l'irrecevabilité de cette action au motif que seul le Comte de Paris aurait qualité pour défendre un titre qu'à suivre l'argumentation du demandeur il lui appartiendrait d'attribuer.

    Il prétend que le port par lui-même de ce titre, qu'il qualifie « d'attente » et qui, comme celui d'un titre régulièrement conféré ne saurait être subordonné à aucune condition de nationalité, serait parfaitement licite, dès lors qu'il ne crée « aucune confusion ».

    Alphonse de Bourbon estime encore qu'il ne peut être déduit aucun effet juridique du traitement réservé au chef de la famille d'Orléans par les derniers Présidents de la République, par ailleurs analogue à celui accordé par ceux-ci aux chefs de sa propre famille et qui ressort en réalité du domaine de la pure courtoisie.

    Il fait valoir enfin qu'il lui appartient, selon la règle coutumière, « en tant qu'aîné de la branche ainée » de porter les armes en cause sans brisure.

    Ferdinand de Bourbon-Siciles et Sixte-Henri de Bourbon-Parme interviennent le 16 novembre 1988 volontairement dans la procédure aux mêmes fins qu'Henri d'Orléans, sauf en ce qu'ils ne formulent aucune demande quant au port des armes pleines. lls considèrent que « le titre de Duc d'Anjou appartient» la seule couronne de France, et qu'il est indisponible en l'état des institutions françaises aussi longtemps que les circonstances et la providence ne pourvoiront pas à la représentation héréditaire de la nation française ».

    Par une note en délibéré dans laquelle il fait état de sa nationalité française, Alphonse de Bourbon estime que « ces interventions méritent d'être dites irrecevables au motif qu'elles tendent, comme la demande principale, à la reconnaissance, à l'application et à la sanction d'un droit public monarchique implicitement, mais nécessairement, abrogé en conséquence de la proclamation de la République »

    Sur la recevabilité de l'action en usurpation de titre.

    Attendu que les titres nobiliaires supprimés par les révolutions de 1789 et de 1848 et rétablis par le décret du 27 janvier 1852, ne peuvent être régulièrement portés et ne peuvent être donnés à leurs titulaires dans les actes d'état civil qu'en vertu d'un arrêté d'investiture pris par le Garde des Sceaux en application de l'acte royal ou impérial qui les a, à l'origine, conférés ;

    Attendu qu'une action en justice ne pouvant être introduite que par celui qui y a un intérêt certain, urn titre de noblesse ne peut être défendu contre toute usurpation que par celui qui en dispose lui-même dans les conditions rappelées ou qui fait partie d'une famille à laquelle a été de la même manière exclusivement reconnue cette distinction honorifique ;

    Attendu qu'en l'espèce, Henri d'Orléans, fils aîné du Comte de Paris, ne détient pas le titre de Duc d'Anjou qu'il ne revendique d'ailleurs pas, et qui selon la tradition de la Maison de Bourbon était conféré au deuxième ou troisième fils ou petit-fils du Roi ;

    Attendu que ce titre qui a été notamment porté iusqu'à son avènement au trône d'Espagne en 1700 par Philippe de France, petit-fils cadet de Louis XIV, a été concédé en dernier lieu par Louis XV à son deuxième petit-fils Louis, Stanislas, Xavier, futur Louis XVIII, puis a été aboli par l'effet du décret de l'Assemblée nationale constituante du 19 juin 1790 ;

    Attendu que depuis les mesures de rétablissement des titres de noblesses au XIXe siècle, il est constant que le titre de Duc d'Anjou n'a fait l'objet d'aucune collation ;

    Attendu que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si, en vertu d'une prétendue « coutume républicaine », le chef de la Maison d'Orléans aurait le pouvoir de conférer ce titre, force est de constater que le Comte de Paris, non appelé en la cause, n'a pas estimé devoir intervenir à la présente instance ;

    Attendu qu'en réalité, la survivance actuelle de ce titre, considéré en l'état comme « indisponible » par les parties intervenantes et comme seulement « d'attente » ou de « courtoisie » par le défendeur, ne pourrait être vérifiée, conformément aux dispositions du décret du 10 janvier 1872, que par le Garde, des Sceaux éventuellemernt saisi, après avis du Conseil d'Administration de la Chancellerie - que dans ces conditions, Henri d'Orléans doit être déclaré irrecevable à agir en défense du titre de Duc d'Anjou sur lequel il n'établit pas que lui-même ou sa famille ait des droits ; qu'il doit en être de même quant à Ferdinand de Bourbon-Siciles et Sixte-Henri de Bourbon-Parme, qui ne justifient pas davantage d'un intérêt à intervenir.

    Sur le port des armes pleines.

    Attendu que les armoiries sont des marques de reconnaissance accessoires du nom de famille auquel elles se rattachent indissolublement' que cette famille soit ou non d'origine noble ; qu'il s'ensuit que les armoiries sont l'attribut de toute la famille, et qu'elles jouissent de la même protection que le nom lui-même ;

    Attendu que les armes en litige, constituées de « trois, leurs de lys d'or en position deux et un sur champ d'azur » n'ont été celles de France qu'autant que régnait l'aîné de la Maison de Bourbon à laquelle elles appartiennent - qu'elles sont devenues emblèmes privés à l'avènement du roi Louis-Philippe ;

    Attendu que selon les anciennes coutumes, les armes pleines etaient réservées aux aînés, les cadets devant introduire une brisure dans leur blason ; qu'ainsi, les princes de la Maison d'Orléans, branche cadette des Bourbons, portaient, y compris le roi Louis-Philippe, les armes des Bourbons avec un lambel (brisure) d'argent ;

    Attendu que la République à nouveau instaurée. Charles de Bourbon, Duc de Madrid, faisant valoir, à la mort du Comte de Chambord, sa qualité d'aîné d'une branche aînée, s'attribua les armes pleines . que Louis-Philippe d'Orléans, petit-fils du roi Louis-Philippe en fit alors de même, provoquant les protestations des Bourbons d'Espagne ; que le Tribunal civil de la Seine, saisi par l'un d'eux, Marie-François de Bourbon y Castellvy, devait cependant considérer en sa décision du 28 janvier 1897 que « ces armoiries pleines à trois fleurs de lys d'or, qui étaient jadis attachées à la qualité de Roi de France, avaient disparu avec elle » ;

    Attendu qu'il n'appartient pas à une juridiction de la République d'arbitrer la rivalité dynastique qui sous-tend en réalité cette querelle héraldique, comme l'ensemble de la procédure ;

    Attendu qu’en tout état de cause le demandeur, qui ne peut ainsi avec pertinence soutenir qu’Alphonse de Bourbon se servirait du «symbole» de la France, ne prétend nullement que le port de ces armes sans brisure, qui résulte d’un usage ouvert et constant des Bourbons d’Espagne depuis plus de cent ans, soit à l’origine pour lui-même ou sa famille, d’un préjudice actuel et cewrtain ; que dans ces conditions, Henri d’Orléans, qui ne justifie pas d’un intérêt à faire interdire le port de ces armoiries, sera déclaré également irrecevable en sa demande de ce chef ;

    Par ces motifs, le Tribunal, — déclare irrecevable Henri d’Orléans en ses demandes d’interdiction de port de titre et d’armoiries, ainsi que Ferdinand de Bourbon-Siciles et Sixte-Henri de Bourbon-Parme en leur intervention ; laisse au demandeur et aux intervenants la charge des dépens.

    Mme Le Foyer de Costil, 1er vice-prés., M. Breillat, juge. — Mes Lombard (du barreau de Marseille), Ranouil, Varaut, Nouel, Foyer, av.


    Commentaires de G. Poulon

    NOTE - Le comte de Clermont, fils ainé du Comte de Paris, descendant de Monsieur, duc d’Orléans, frère de Louis XIV, a demandé au Tribunal de Paris de faire interdiction au duc de Cadix, petit-fils aîné du Roi d’Espagne Alphonse XIII et descendant de Philippe, duc d’Anjou, petit-fils puîné de Louis XIV, de porter le titre de Duc d'Anjou auquel son ancêtre a définitivement renoncé pour lui-même et sa descendance en accédant au trône d’Espagne sous le nom de Philippe V Le comte de Clermont déclare fonder son action sur la coutume en vertu de laquelle la République reconnaîtrait, au moins depuis l’abrogation de la loi d’exil, les titres attachés jadis aux apanages de la Couronne et conférés par le chef de la Maison de France. Le titre de duc d’Anjou, s’il n’a pas été attribué par ce demier, n’en a pas moins vocation à l’être. Le duc de Cadix réplique que le titre litigieux n’a été conféré depuis 1661 qu’à des descendants de Louis XIV, que les princes d’Orléans ne justifient d’aucun acte de collation de ce titre et que la demande du Comte de Clermont qui devrait être présentée par le comte de Paris ne tend qu’à faire reconnaître au chef de la maison d’Orléans le pouvoir d’octroyer des marques d’honneur et de distinction qui ne relèvent que des prérogatives d’un chef d’Etat. Les princes Ferdinand de Bourbon-Siciles et Sixte-Henri de Bourbon-Parme, chefs des deux autres branches issues de Philippe V, roi d’Espagne, sont intervenus pour faire valoir que le titre de duc d'Anjou appartient à la couronne de France et qu’il est, en l’état des institutions actuelles, indisponible.

    Ce débat juridique entre deux représentants de la race royale capétienne, modestement limité au cadre d’une action en usurpation de titre, n’est en fait que la manifestation d’une querelle dynastique. Le comte de Clermont défend en filigrane, de son action les droits de la maison d’Orléans à la couronne contre les « prétentions » de l’ainé des Bourbons. L’Histoire, non seulement fournit la toile de fond du procès qui s’est dérouté dans l’ancienne grand-chambre du Parlement de Paris, mais en constitue la trame même. Il faut s’y référer pour essayer d’y voir clair.

    Charles Il, roi d’Espagne, mourut en 1700 sans enfants. La Maison de France, comme la maison d'Autriche, pouvait prétendre à des droits sur sa succession. Charles Il légua sa couronne à son petit-neveu, le duc d'Anjou, tout en disposant expressément que les deux monarchies française et espagnole ne seraient jamais réunies, Louis XIV, après bien des hésitations, accepta ce testament, mais déclara par lettres patentes de décembre 1700 qu’il maintenait son petit-fils et ses descendants mâles dans leurs droits au trône de France. La guerre s’ensuivit avec des fortunes diverses, A la dévote Maintenon chapitrant son royal époux sur la nécessité de faire la paix à quelque prix que ce fût, même celui de la reconstitution de l’empire de Charles-Ouint, Louis XIV répondait avec son bon sens: « Si c’est ce que Dieu veut, madame, je le veux bien, mais si ce sont les anglais, permettez-moi de n’y pas consentir ». La guerre se termina par la négociation des traités d’Utrecht et de Radstatt ( 1713- 1714), lesquels stipulèrent la séparation à perpétuité des couronnes de France et d’Espagne. Auparavant, le 5 novembre 1712, Philippe V avait solennellement renoncé devant les Cortés, pour lui et ses descendants, à la succession de France. Cette renonciation fut confirmée par lettres patentes de Louis XIV et enregistrée au Parlement de Paris le 11 mars 1713.

    Etait-elle valide au regard des lois fondamentales du Royaume ? La monarchie française n’est pas héréditaire, mais successi ve. Le roi n’est que dépositaire de la Couronne. Il ne peut en disposer. En conséquence toute renonciation au trône devait être nulle, et le Parlement avait ainsi refusé de reconnaître l’abdication de François Ier en faveur du Dauphin, alors qu’il était prisonnier à Pavie. Mais force est de constater que, gardien des lois qui nhésita pas à casser le testament de Louis XIV en ce qu’il stipulait pour les princes légitimés, il n’a jamais annulé ou remis en cause les renonciations d’Utrecht, Louis XIV avait écrit à son ambassadeur à Madrid, le marquis de Bonnac, le 18 mai 1712: « Le roi d’Espagne regrettera peut être bien des fois d’avoir abandonné les droits de sa naissance, mais il ne sera plus temps de les faire valoir, car, outre sa renonciation, les mesures seront prises pour assurer à ses cadets la succession de la Couronne et toute l’Europe en sera garante ». Il ajoutait : « Tout mon royaume aura un égal intérêt de maintenir la disposition qui aura été faite, parce qu’elle ne pourrait être troublée sans donnerlieu à des guerres intestines et le roi d’Espagne, regardé pour lors comme étranger, n’aurait point de partisan assez téméraire pour déclarer soutenir ses prétentions contre les dispositions faites par le traité de paix ». Sacrifice du Droit à la Paix de l’Europe et à la concorde des Français ! Les constituants de la Révolution n’y regardèrent pas de si près en introduisant dans la Constitution de 1791, à la demande de Mirabeau, un article aux termes du quel « rien n’était préjugé sur les effets des renonciations dans la race actuellement régnante ».

    C’est en 1883, à la mort du Comte de Chambord, dernier représentant de la branche aînée des Bourbons, que la question de la succession se posa. La restauration n’avait échoué en 1873, alors que la majorité de lAssemblée était royaliste’ que par la division des légitimistes partisans d’Henri V petit-fils de Charles X et des orléanistes fidèles à la monarchie de juillet. La visite du Comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe, le 5 août 1873, à Frodshorf, avait scellé la réconciliation de la Maison de France que, dès 1848, le comte de Chambord appelait de ses voeux, lorsqu’il écrivait au duc de Noailles : « Le plus beau jour de ma vie... sera celui où je pourrai voir la famille royale réunie autour de son chef ». Mais les conceptions bourbonnienne et orléaniste, de la Monarchie étaient trop différentes pour que le comte de Chambord qui ne voulait pas être le président de la « République des ducs » (lexpression est de Daniel Halévy) pût entretenir des illusions sur l’avenir d’une restauration, résultat d’un compromis ou d’un malentendu. La mort du petit-fils de Charles X, l’extinction de la branche aînée des Bourbons, mettrait-elle fin à la situation politique née de l’usurpation de Louis-Philippe en 1830 ? Henri V ne désigna pas son successeur. Avait-il à le faire ? La dévolution de la Couronne s’opère par la loi, Le comte de Chambord avait déclaré le 1er, mars 1872 à un envoyé d’un journal parisien, La liberté , pour couper court aux bruits d’adoption d’un prince de la maison de Parme: « Mon héritier, vous le connaissez, je n’ai pas le choix, c’est celui que la Providence m’impose, puis qu’elle a décrété que la branche aînée des Bourbons devait s’éteindre en moi.. Les princes d’Orléans sont mes fils».

    N’avaient-ils pas toujours eu d’ailleurs à la Cour, au XVIIIe siècle comme sous la Restauration, le rang de premiers princes du sang ?

    La plupart des membres de l’entourage du Prince à Frodshorf, la plupart des royalistes en France reconnurent le comte de Paris sous le nom de Philippe VIl. Le jeune capitaine Lyautey, ardent légitimiste, s’écriait à cette nouvelle : « Habemus regem ». Mais quelques intraitables se retournèrent alors vers Don Jan de Bourbon, l’aîné des descendants de Philippe V, en arguant de la nullité des actes de renonciation et en invoquant le fait qu’isabelle Il avait, en épousant son cousin Don François d'Assise, apporté la couronne d’Espagne à une branche cadette de la maison de Bourbon, ce qui excluait, au moins momentanément, la possibilité de réunir les deux couronnes de France et d’Espagne sur une même tête. A l’extinction de la branche aînée dite « carliste », en 1936, Alphonse XIII roi d’Espagne détrôné, devint, légitimement parlant, « roi de France », mais il ne paraît pas s’ê tre soucié beaucoup de ce royaume qui, dans son exil’ lui tombait du ciel, et l’ordre européen ne fut pas autrement menacé par cet événement. L’accession au trône espagnol de Don Juan Carlos, petit-fils d'Alphonse XIII, mais issu par le comte de Barcelone d’un fils cadet du Roi, a permis au duc de Ségovie, fils aîné d’Alphonse XIII, qui. a relevé le titre de Duc d'Anjou, puis au Duc de Cadix, de faire, sinon officiellement acte de candidature au trône de France’ du moins de se poser auprès des Français en successeur par ordre de primogéniture mâle de Hugues Capet. La personnalité du Duc de Cadix, le ralliement à son panache blanc d’eminents universitaires, juristes et historiens’ la participation de ce prince à de nombreuses manifestations du millénaire capétien au cours de l’année 1987, ont donné un nouveau souffle à ce qu’il est convenu d’appeler le « légitimisme ».

    Les parties au procès ont prévenu d’entrée qu’elles ne plaidaient pas la nullité des renonciations du traité d’Utrecht et, en conséquence, ne viendraient pas soutenir devant un Tribunal investi ce ses pouvoirs par la République des prétentions dynastiques. Cela allait sans dire. Le droit au titre de duc d'Anjou est le seul objet du débat juridique.

    Le Tribunal après avoir relevé que les titres nobiliaires rétablis par le décret impérial du 27 janvier 1852, ne peuvent être régulièrement portés qu’en vertu d’un arrêté d’investiture pris par le Garde des Sceaux en «application de l’acte qui les a, à l'origine, conférés et qu’un titre ne peut être défendu contre toute usurpation que par celui qui y a un intérêt certain’ c’està-dire en dispose lui-même dans ces conditions ou fait partie d’une famille à laquelle a été, de la même façon exclusivement reconnue cette distinction honorifique, a constaté que le prince Henri d’Orléans ne détenait, ni ne revendiquait d’ailleurs, le titre en litige, lequel, ayant été concédé en dernier lieu par Louis XV à son deuxième petit-fils Louis-Stanislas-Xavier, futur Louis XVIII, puis aboli par décret de lAssemblée constituante, n’ a fait l’objet, depuis ie rétablissement des titres de noblesse, d’aucune collation « dès lors que le demandeur n tablissait pas que lui-même ou sa famille aient des droits sur ce titre, qualifié en l’état dindisponible « par les princes de Bourbon-Siciles et de Bourbon-Parme », d’« attente » ou de « courtoisie » par le Duc de Cadix, le Tribunal a estimé qu’il ne pourrait être vérifié, conformément aux dispositions du décret du 10 janvier 1872, que par le Garde des Sceaux éventuellement saisi, après avis du conseil d’administration de la Chancellerie en conséquence, il a déclaré le Comte de Clermont irrecevable à agir en défense du titre de Duc d'Anjou. N’est-ce pas se retrancher derrière l’autorité administrative ?

    Louis Stanislas Xavier, duc d'Anjou
    Louis-Stanislas-Xavier, duc d'Anjou, from a late 18th c. jeton (F.8524var). The legend reads "Lud[ovicus] Stan[islaus] Xaver[us] Dux Andegav[orum]". Photo courtesy of Compagnie Générale de Bourse (jetons XI, 239).

    Les titres de noblesse sont l’accessoire du nom, mais ils ne se confondent pas avec lui. Le nom est porté par tous les membres d’une même famille, le titre ne l’est, dans la famille, que par une seule personne. Alors que le nom s’acquiert par le simple usage, il faut, à l’origine du titre, une investiture émanant de l’autorité souveraine. Les Tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour interpréter ou vérifier des actes individuels de la puissance publique, C’est ainsi que le décret du 8 janvier 1859 a donné compétence au conseil du Sceau pour tout ce qui concerne la collation, la confirmation, la reconnaissance et la vérification des titres en permettant à toute personne de se pourvoir auprès du Garde des Sceaux pour provoquer la vérification de son titre par ce conseil. Le décret du 10 janvier 1872 auquel se réfère le Tribunal n’a fait que transmettre les attributions du Conseil du Sceau au conseil d’administration de la Chancellerie « en tout ce qui n’est pas contraire à la législation actuelle ». Lorsque le litige sur un titre met en cause « la validité, le sens et la portée d’un acte de puissance souveraine » il ne peut être tranché par les Tribunaux judiciaires. En revanche, réserve étant faite que le Président de la République a décidé de ne pas conférer ou confirmer des titres de noblesse, chaque fois qu’en dehors de toute contestation sur la validité, le sens et la portée de l’acte originel de collation. il s’agit de statuer sur la dévolution et la transmission d’un titre, de déterminer quel en est le porteur légitime, de défendre celui-ci contre une usurpation ou toute atteinte à ses droits, l’autorité judiciaire doit être saisie. C’est en somme « à l’autorité administrative de dire si une famille est titrée et à l’autorité judiciaire de dire, dans une famille titrée’ quels sont les porteurs légitimes du titre » C. Paris 20 décembre 1949, concl. avocat général Rolland (D. 195 1. 1.204).

    Y a-t-il eu, dans l’espèce présente’ contestation du titre ? C’est par des lettres patentes d’avril 1771 que Louis XV a conféré pour la dernière fois à son deuxième petit-fils, le futur Louis XVIII, le titre de Duc d'Anjou que Philippe V, deuxième petit-fils de Louis XIV, avait porté’ avant son accession au trône d’Espagne et qui avait fait retour à la maison de Bourbon de France’ Le Parlement de Paris enregistra le 3 mai 1771 la collation du titre et la constitution en apanage du Duché d'Anjou pour Louis-Stanislas-Xavier, fils de France et ses enfants mâles descendants de lui en loyal mariage’ Il était disposé, conformément à la nature des apanages et aux lois du royaume, que ledit apanage ferait retour à la Couronne en cas d’extinction de descendance mâle’ La Cour de cassation a jugé que les titres nobiliaires doivent être « maintenus dans le caractère qui leur a été donné à l’origine en tant qu’il est compatible avec l’état social et dans les conditions de transmissibilité qui leur ont été imposées par l’acte de création » Cass. civ. 25 octobre 1898 (D.P. 1899.1.168). La transmissibilité du titre de Duc d'Anjou n’est-elle pas fixée sans contestation possible par les lettres patentes de Louis XV précitées ?

    Au demeurant, la règle était dans l’ancien droit que les titres nobiliaires restaient dans la descendance mâle du titulaire et n’étaient pas transférés de droit aux collatéraux qui ne pouvaient porter le titre devenu vacant qu’en obtenant une nouvel le investiture’ Par conséquent, de nos jours, le collatéral, ce qu’est le Duc de Cadix par rapport au dernier titulaire du Duché d'Anjou, ne pourrait porter le titre litigieux que s’il y était autorisé par un décret du Chef de l’Etat, rendu sur avis conforme du conseil d’administration de la Chancellerie et du Garde des Sceaux.

    Mais le Tribunal avait-il à répondre à la question: « Est-ce que le Duc de Cadix peut porter le titre de Duc d'Anjou » Avait-il à répondre même à l’objection tirée du fait qu’un prince étranger ne pourrait porter en France un titre français ? La Cour d’appel d’Orléans a jugé (29 février 1928’ Sous Cass. civ. 13 avril 1932 D.P. 1932, p. 89 et s., note Basdevant) que le Duc d’Anjou (Philippe V), en acceptant la couronne royale -d’Espagne et en fixant de façon définitive son domicile dans ce pays’ ce qui était une conséquence inéluctable de son accession au trône, a perdu la nationalité française et qu’alors même qu’il eût conservé cette nationalité, ses enfants nés en Espagne, c’est-à-dire hors de France’ auraient ipso facto été des étrangers, étant donné les principes du droit en vigueur, Pourrait-on opposer au jus soli du droit ancien, le jus sanguinis pour soutenir que’ même en acceptant une couronne étrangère, Philippe V et ses descendants sont restés fr«ançais ? Il a fallu (précédent bien connu) que le roi Charles IX prit des lettres patentes pour main tenir son frère, le duc d'Anjou, futur Henri Ill’ dans la naturalité française’ lorsqu’il fut élu roi de Pologne’ Le Comte de Clermont étant demandeur en usurpation de titre contre le duc de Cadix, le Tribunal ne pouvait que lui poser la seule question : y Est-ce que vous prouvez que vous détenez le titre de Duc d'Anjou’ ou que vous’ ou votre famille, avez des droits sur lui ? » Il est vrai que dans une affaire Noailles souvent citée (Cass, ci . v. 11 mal’ 1948 D, 1948’335), ce fut au défendeur qu’il devait revenir d’apporter la preuve du titre qui lui était contesté. Mais imagine-t-on le duc de Cadix ou ses ayants droit allant demander place Vendôme la vérification du titre de Duc d'Anjou, à plus forte raison une nouvelle investiture, alors que le maréchal de Mac Mahon a décidé (une fois pour toutes ?) en 1875, que le président de la République ne connaîtrait plus de demandes de collation ou de confirmation de titres ?

    A la vérité c’est le comte de Clermont lui-même qui . a apporté une réponse (ou un semblant de réponse) à la question que pouvait lui poser (ou se poser) le Tribunal, en invoquant une « coutume républicaine » en vertu de laquelle le comte de Paris en tant que chef de la Maison de France aurait le pouvoir de conférer non seulement les titres de l’ancien apanage d’Orléans qui font partie de son patrimoine et qui’ ne sont pas discutés’ mais tous les titres de la monarchie française dont, cependant, la transmissibilité, depuis l’extinction de la branche aînée régnante, ne peut juridiquement, en l’état, s’opérer de plein droit à une branche collatérale, qu’elle soit issue du Duc d'Anjou ou du Duc d’Orléans’ Récemment, le comte de paris a donné à l’un de ses petits-fils, le prince Eudes, le titre de Duc d'Angoulême porté pour la dernière fois par le Dauphin, fils aîné de Charles X, « roi», en exil’ sous le nom de Louis XIX. La Coutume invoquée peut-elle se réclamer et se fortifier des marques d’estime, voire de déférence, que le Général de Gaulle, alors même qu’il était résident de la République, a constamment exprimées à la famille d’Orléans ? Le Tribunal a préféré n’avoir pas à se prononcer sur cette coutume en constatant que le Comte de Paris’ non appelé dans la cause, n’avait pas cru devoir intervenir en tant que Chef de la maison de France pour s’en prévaloir’ On ne pouvait être plus royaliste que le roi. Restituant au procès son véritable caractère, il a déclaré judicieusement qu’il n’appartenait pas à une juridiction de la République d’arbitrer la rivalité dynastique qui sous-tendait non seulement la seconde (et secondaire) de mande du Comte de Clermont relative au port des armes pleines de France, mais l’ensemble de la procédure’ Royer-Collard reprenant Bossuet a proclamé, en son temps, à la tribune de la Chambre des députés que droit et loi ne coïncidaient pas forcément toujours. La loi peut aussi rendre le droit muet.

    G. POULON,

    Président de Chambre honoraire à la Cour de Paris.

    Cour d'appel de Paris (1re Ch. sect. A)

    22 novembre 1989

    Présidence de Mme Ezratty
    Premier Président

    Prince Henri d'Orléans, comte de Clermont et Prince Sixte Henri de Bourbon Parme c. Carmen Rossi


    NOM ET PRÉNOMS. - TITRES NOBILIAIRES ET ARMOIRIES. - CONTESTATION. - INTÉRÊT POUR AGIR.

    Les titres nobiliaires, s'ils suivent en général les règles applicables au nom patronymique, ne peuvent s'acquérir par le simple usage même prolongé et doivent faire l'objet d'un arrêté d'investiture pris par le Garde des Sceaux en application de l'acte qui les a conférés à l'origine ; en l'espèce le titre de Duc d'Anjou porté par Philippe V jusqu'à son accession au trône d'Espagne en 1700, concédé pour la dernière fois par Louis XV à son deuxième petit-fils, Louis Stanislas Xavier, futur Louis XVIII, puis aboli par le décret du 19 juin 1790 de la Constituante, n'a jamais fait l'objet, depuis cette date, d'une collation ; en conséuquence Henri d'Orléans, fils aîné du Comte de Paris, lequel n'a pas cru devoir intervenir à l'instance, ne détient ni ne revendique le titre de Duc d'Anjou et ne peut introduire, faute d'intérêt, une action en justice pour s'opposer à toute usurpation d'un titre sur lequel il n'établit pas ses droits ; il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de rechercher si l'usage de ce titre par l'intimé était légitime et constant, au risque de créer une confusion, inexistante en l'espèce, puisque Henri d'Orléans n'a jamais porté ce titre ; pour les mêmes motifs, l'intervention de Sixte Henri de Bourbon Parme doit être également déclarée irrecevable.

    Les armes pleines constituées « de Trois fleurs de lis d'or en position deux et un sur champ d'azur», ont été celles de la France jusqu'à l'avènement du roi Louis Philippe, qui les a remplacées, par une ordonnance du 14 août 1830, par les armes brisées d'Orléans ; les armes pleines de France, devenues ainsi des emblèmes privés constituent des accessoires du nom, auquel elles se rattachent et doivent être considérées comme un attribut de famille et soumises à la même protection que le nom lui-même ; dès lors Henri d'Orléans, qui ne peut soutenir avec pertinence que Louis Alphonse de Bourbon utiliserait le symbole de la France, ne peut se prévaloir d'une usurpation abusive dès lors qu'il n'allègue ni ne démontre que le port de ces armes sans brisures, qui résulte d'un usage manifeste et constant par les Bourbon d'Espagne depuis plus d'un siècle, puisse être à l'oriigne pour lui et sa famille d'un préjudice actuel et certain ; il s'ensuit que son action est irrecevable.


    Conclusions de M. Jean Dominique Alzuyeta, Avocat général

    Introduction

    Quand nous étions élèves, nous avons appris qu'en l'an 1589 le Parlement de Paris, Cour d'appel de ce temps-là, rendit une décision estimant que la souveraine légitime de la France était l'Infante d'Espagne Isabelle-Claire-Eugénie, fille du roi d'Espagne Philippe II et de la pricnesse Élisabeth de France.

    Aujourd'hui votge Cour est saisie d;une demande plus modeste, limitée aux Armes de France et au titre de Duc d'Anjou ; mais l'interprétation donnée à la procédure par le grand public y voit un débat de la même nature qu'en 1589, à la nuance près qu'au lieu du souverain légitime il ne s'agit plus que du prétendant légitime ; comme jadis l'une des parties au procès est un prince espagnol, le jeune Louis, arrière-petit-fils du Roi Alphonse XIII d'Espagne, du Général Franco, et d'un Dampierre, ce qui lui donne une ascendance française ancienne.

    En 1589, le Parlement de Paris excéda ses attributions. Il n'a jamais été dans le pouvoir des juges, en France, de désigner le gouvernement légitime. A titre anecdotique, qu'il me soit permis de noter que dans l'hypothèse où cette décision eût été suivie d'effet, les capétiens n'auraient plus régné et le prétendant actuel au « trône de France » serait le Duc de Bavière, descendant de l'Infante Catherine, soeur cadette d'Isabelle-Claire-Eugénie.

    En 1989, la Cour d'appel de Paris est dans ses attributions en statuant sur la demande qui lui est soumise. Mais que personne n'aille s'imaginer qu'il s'agit, serait-ce en fïligrane, du trône de France. Il n'y a plus de trône en France. La notion a disparu de notre droit. Il n'y a donc point de prétendant, légitime ou non, à une chose qui n'existe pas Ceci me conduit à préciser l'objet exact du litige qui vous est soumis.

    Objet du litige - Procédure.

    Les parties à l'ïnstance sont tous des princes capétiens, issus d'Henri IV; il ne m'a pas paru inutile de joindre aux présentes conclusions quatre tableaux généalogiques ; pour éviter toute difficulté et ne froisser aucune susceptibilité, je n'appellerai les plaideurs que par leur prénom.

    Le prince Henri, né en 1933 (tableau 4) a donné assignation au prince Alphonse, né en 1936 (tableau 3) pour « s'entendre le requis ;

    - dire et juger que le titre de Duc d'Anjou n'appartient plus aux descendants de Philippe V depuis l'avènement de celui-ci au trône d'Espagne, et que ce titre dépend exclusivement de la Maison de France .

    - dire et juger en conséquence qu'il lui est interdit de porter le titre de Duc d'Anjou et d'arborer les armes pleines de la Maison de France »

    Il était assisté en première instance de deux intervenants, le prince Ferdinand, descendant de Ferdinand IV de Sicile (tableau 1 colonne 3), et le prince Sixte, descendant du Duc de Parme (tableau 1 colonne 4).

    Par jugement du 21 décembre 1988, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevables le prince Henri en ses demandes, les princes Ferdinand et Sixte en leurs interventions.

    C'est la décision dont les princes Henri et Sixte ont relevé appel.

    Le défendeur, prince Alphonse, est accidentellement décédé le 30 janvier 1989, Son fils unique est le prince Louis, né en 1974, mineur.

    Le 22 mars 1989, le prince Henri a repris l'instance devant votre Cour et donné assignation à Mme Carmen Martinez Bordiu, actuellement épouse Rossi, anciennement épouse du prince Alphonse, mère et tutrice légale du prince Louis.

    Cette dernière a pris des conclusions tendantà la confirmation du jugement querellé.

    Votre Cour est donc appelée à trancher deux questions : d'une part, qui a le droit d'utiliser les armes que, jadis, arborait la famille royale française ; d'autre part, quid du titre de Duc d'Anjou ?

    Premier point : les « armes de France »

    Sur le plan historique, et en résumé, les emblèmes du Roi de France étaient le drapeau blanc et les trois fleurs de lys ; celles-ci constituaient « les armes de France » : d'azur à trois fleurs de lys d'or posées 2 et 1.

    Tout le monde sait que la question du drapeau blanc fit échouer la Restauration Monarchique en 1873.

    Quant aux « armes de France », elles étaient celles du Roi, de ses fils et des fils de son fils aîné.

    Les autres descendants mâles d'un Roi de France arboraient aussi les fleurs de Lys, certes, mais agrémentées d'autres signes. Elles n'étaient plus « pures » C'est ainsi, par exemple, que les ducs de Bourbon, issus du septième fils de Saint Louis, et ancêtres des plaideurs de céans, portaient « semé de France à la bande de gueules » C'est ainsi, encore, que la famiIle de Bourbon-Busset, venue d'un mariage non autorisé par le Roi, et illustrée aujourd'hui par un membre de l'Académie française, porte « de France à la cotice de gueules en bande, qui est Bourbon » C'est ainsi, enfin, que les ancêtres des parties au proces actuel avaient :

    a) les rois d'Espagne, tableau 3, écartelé au 1 contre-écartelé, aux 1 et 4 de gueules au château d'or sommé de trois tours du même et aux 2 et 3 d'argent au lion de gueules enté en pointes, d'or à la grenade de gueules tigée et feuillée de sinople ; au 2, parti, d'or à quatre pals de gueules et écartelé en sautoir d'or à quatre pals de gueules et d'argent à l'aigle de sable ; au 3, coupé de gueules à la fasce d'argent, et bandé d'or et d'azur de six pièces, à la bordure de gueuies , au 4, coupé d'azur aux fleurs de lys d'or à la bordure camponnée d'argent et de gueules, et de sable au lion d'or armé et lampassé de gueules. Enté en pointe des 3 et 4, parti d'or au lion de sable armé et lampassé de gueules et d'argent à l'aigle de gueules couronnée, becquée, et membrée d'or, chargée d'un croissant du même- Sur le tout, de France à la bordure de gueules.

    b) les ducs d'Orléans, tableau 4, « De France au lambel d'argent à trois pendants »

    Céans, les plaideurs, c'est-à-dire a et b ci-dessus, veulent faire reconnaîÎtre en justice qu'ils ont le droit de porter « d'azur à trois fleurs de lys d'or posées 2 et 1 ».On croirait qu'ils se trompent de siècle.

    Quoi qu'il en soit, ils ne produisent ni même n'invoquent aucun texte de loi actuellement en vigueur qui leur permettrait d'asseoir leur prétention.

    On chercherait d'ailleurs en vain dans le Code civil un article sur ce sujet.

    Rien d'étonnant à cela. En effet, il n'y a en France depuis 1870 d'autre souverain que le peuple français. L'instauration de la République en 1870 a relégué les « armes de France » au rang des études, d'ailleurs captivantes, d'histoire du Droit. Désormais, il y a le drapeau tricolore, et les lois républicaines. Les seules armes de France sont les emblèmes de la République

    En conséquence, dans le pays des libertés qu'est la France, chacun peut se faire confectionner une chevalière, un écusson, et autres objets de ce genre, mais nul ne peut revendiquer en justice la propriété exclusive d'insignes qui ont disparu avec le régime dont ils étaient l'illustration.

    Dès lors, le Tribunal de Paris a estimé avec raison que le demandeur n'avait aucune qualité pour agir.

    A titre surabondant, il est permis d'observer que le prince Henri a un père et que, à supposer l'action engagée susceptible d'un fondement quelconque, il appartenait à ce père de l'intenter

    Deuxième point : le titre de Duc d'Anjou.

    Les titres de noblesse créés sous l'Ancien Régime ont été abolis par la Révolution française.

    L'empereur Napoléon Ier, en a créé d'autres ; de 1804 à 1814, il a donné vie à force ducs, comtes, barons, chevaliers, mais, curieusement, pas à des marquis. L'armorial de Révérend recense tout cela.

    Après la Restauration du Roi en 1814 des zizanies apparurent :la noblesse d'Ancien Régime était-elle vraiment éteinte ? La noblesse d'Empire avait-elle réellement une valeur ?

    Conciliateur de nature, le Roi Louis XVIII donna une solution globale au problème dans l'art. 71 de la charte de 1814, ainsi libellée : « la noblesse ancienne reprend ses titres ; la nouvelle conserve les siens ».

    Et puis, de 1815 à 1870, Louis XVIII, Charles X, Louis Philippe Ier,et Napoléon III, érigèrent de nouveaux titres de noblesse.

    La question de la noblesse n'est pas le débat ici ; la question des titres de noblesse est seule en cause.

    Depuis 1870 la République, qui ne connaît d'autre noblesse que celle du mérite, admet cependant le port des titres conférés par les Rois et les Empereurs.

    Elle ne les considère plus comme un critère de différence sociale, ressortissant du droit public ; elle voit en eux, en droit privé, un élément de l'état des personnes, à l'instar des noms, prénoms et pseudonymes.

    Lorsqu'un citoyen souhaite voir mentionner un titre à l'état civil et, partant, sur ses papiers d'identité. il s'adresse au Bureau du Sceau, au ministère de la Justiceet fournit deux preuves ; d'une part, l'existence du titre, sans entrer ici dans les détails, cette preuve résulte le plus souvernt de la production des lettres patentes royales ou des décrets impériaux ayant créé le titre ; d'autre part, la filiation établissant que l'impétrant est, par les mâles, l'aîné des descendants du premier titulaire du titre ou, dans les rares cas où cela était prévu par les lettres patentes, du frère puîné de ce premier titulaire, lorsque la descendance mâle de celui-ci est éteinte.

    J'ai dit par les mâles, en effet, les titres créés pour des femmes (par exemple La Vallière) et transmissibles par les femmes (par exemple Mazarin) étaient tout à fait exceptionnels.

    Le dossier constitué, les hauts magistrats composant le conseil d'administration du Sceau délibèrent, acceptent ou rejettent.

    S'ils acceptent, M. le mirnistre de la Justice, Garde des Sceaux, signe un arrêté d'investiture: M. Untel est le duc de X, ou le comte de Y.

    L'arrêté est mentionné en marge des actes de l'état civil de l'intéressé - celui-ci peut désormais faire porter le titre sur sa carte d'identité - il peut aussi faire interdire en justice à autrui le port de son titre.

    En l'espèce, ni le prince Henri, ni feu le prince Alphonse (dont on se demande comment la carte d'identité pouvait indiquer Duc d'Anjou), ni le jeune prince Louis, ne justifient avoir saisi le Bureau du Sceau de la demande tendant à se voir reconnaître le titre de Duc d'Anjou. Si, par hasard, ils en justifiaient, il appartiendrait à votre Cour de surseoir à statuer jusqu'à la décision de M. le Garde des Sceaux, sous réserve de ce que je vais indiquer plus loin.

    Mais, en l'état, votre Cour, qui n'a pas compétence pour se prononcer sur le titre, est forcée de constater que pas une seule des parties n'a obtenu l'arrêté d'investiture du titre de Duc d'Anjou, et que, partant, le Tribunal a exactement estimé la demande irrecevable.

    Il y aurait, peut-être, une autre manière d'envisager le titre de Duc d'Anjou.

    Il s'agit de l'un des titres portés par la famille royale, avec Duc de Bourgogne, Duc de Berry, Duc d'Orléans, et d'autres.

    Or, les membres de la famille royale formaient, en France, une entité propre.

    Ils n'appartenaient pas à la noblesse, leurs titres n'étaient pas des titres de noblesse.

    Dès lors, on pourrait considérer que leurs titres ont disparu avec la royauté.

    L'irrecevabilité tiendrait dans cette optique à l'inexistence du titre de Duc d'Anjou. Les plaideurs se battraient pour rien.

    Mais cela reviendrait à traiter les descendants des Rois moins bien que les descendants des nobles ; ce serait une iniquité.

    Et surtout il m'apparait que c'est par un abus de langage que l'on continue à parier de « titres de noblesse » s'il n'y a plus de noblesse, il n'y a plus de titres de noblesse il n'y a donc que des « titres », tout court, éléments de l'état des personnes.

    Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire un tri dans l'origine des titres. Il sied de les traiter tous de la même manière, et je m'en tiens à la confirmation du jugement pour le motif que j'ai évoqué ci-dessus.

    Au terme de ces conclusions, il n'est pas interdit de s'interroger sur les motivations de cette querelle capétienne. Remontons, si vous le voulez bien, au début de l'année 1710.

    La famille royale est ainsi constituée

    • le Roi Louis XIV, 71 ans ;
    • son fils le Grand Dauphin, 48 ans ;
    • ses petits-fils le Duc de Bourgogne, 27 ans, et le duc de Berry, 23 ans ;
    • son arrière-petit-fils le Duc de Bretagne (fils du Duc de Bourgogne), enfant de 3 ans ;
    • son neveu le Duc d'Orléans, 35 ans, et le fils de celui-ci, le Duc de Chartres, 6 ans ;
    • enfin ses cousins éloignés, non issus d'Henri IV, le Duc de Bourbon et le Prince de Conti.

    Le 15 février 1710 naît à Versailles un nouveau fils au duc de Bourgogne.

    Louis XIV titre ce nouvel arrière-petit-fils Duc d'Anjou.

    Le 30 août 1730, à peine âgé de vingt ans, Louis XV est père d'un cinquième enfant et second fils, Philippe, qu'il titre Duc d'Anjou. L'on sait que ce garçonnet devait mourir à Versailles dès le 7 avril 1733, et le chagrin que Louis XV en ressentit: «Comment va le Duc d'Anjou? » - «Il est mort, sire». Et le Roi pleura.

    Si votre Cour veut bien se référer au tableau généalogique no 1 que je lui ai remis, elle verra quaucun des plaideurs actuels ne descend de ces deux Ducs d'Anjou, les derniers à avoir porté le titre, ce qui, à mon sens, donne à la procéduire un caractère quelque peu surprenant.

    En conclusion, que l'on adopte le point de vue de l'extinction des titres de la famille royale avec la disparition de la monarchie en France, ou que l'on considère l'absence de preuves par les parties du droit au titre allégué, la demande, faute de qualité, est irrecevable.

    Je prie la Cour de bien vouloir confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris.


    La Cour.— Invoquant que dans «la tradition des apanages le titre de Duc d'Anjou dépendait exclusivement de la Maison de France et ne pouvait être attribué que par le chef de celle-ci», et que la branche cadetrte des Bourbons, dont il est membre, avait relevé l'héritage dynastique de la branche aînée restée sans descendance à la mort du Comte de Chambord le 24 août 1883, le Prince Henri d'Orléans demandait au Tribunal de grande instance de Paris d'interdire au prince Alphonse de Bourbon, sous astreinte dde 50 000 F par infraction constatée de porter ce titre et d'arborer les armes pleines de la Maison de France.

    Il faisait valoir notamment que son aïeul Philippe Duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, qui avait reçu ce titre de son grand-père y avait définitivement renoncé pour lui-même et sa descendance lors de son accession au Trône d'Espagne en 1700.

    Par jugement du 21 décembre 1988, le Tribunal de grande instance de Paris, déclarait Henri d'Orléans irrecevable en ses demandes ainsi que Ferdinand de Boubron-Sicile et Sixte-Henri de Bourbon-Parme en leur intervention volontaire à l'instance, en relevant que «la survivance actuelle de ce titre, considéré en l'état comme «indisponible» par les parties intervenantes et comme seulement «d'attente» ou de «courtoisie» par le défendeur, ne pouvait être vérifiée, conformément aux dispositions du décret du 10 janvier 1872, que par le Garde des Sceaux eventuellement saisi après avis du conseil d'administation de la Chancellerie».

    les premiers juges retenaient également que le demandeur n'établissait ni que lui-même ou sa famille aient des droits sur le titre en litige, ou que le port des armes sans brisure leur ait causé un préjudice actuel et certain, et qu'en tout état de cause, il n'appartenait par aux juridictions de la République d'arbitrer la rivalité dynastique sous-tendant cette querelle héraldique.

    Henri d'Orléans, appelant de cette décision, soutient, comme en première instance, qu'il a un intérêt familial et moral certain, en tant que membre de la Maison de France, à s'opposer à ce qu'un prince étranger, fût-il un Bourbon, puisse porter le titre de Duc d'Anjou, apanage exclusif de sa famille, ne serait-ce qu'à titre de courtoisie et d'attente, alors que ni Alphonse de Bourbon, et , après son décès, son fils Louis Alphone se Bourbon ne peuvent se prévaloir de ce titre revenu à la Couronne de France depuis l'avènement de Philipp V au Trône d'Espagne.

    Il estime ainsi que son action est recevable et qu'il a intérêt à mettre fin à la confusion pouvant en resulter entre sa personne et sa famile et celles des Bourbon d'Espagne.

    Il prétend également qu'un prince étrangere ne saurait s'approprier «les armes pleines de la Maison de France, composées des trois fleurs de lis d'or deux et une sur champ d'azur», que les Bourbon d'Orléans, à la différence des Bourbon d'Espagne, portent de façon ouverte, réguliere et continue depuis plus d'un siècle et qui seraient le symbole de la France.

    Henri d'Orléans demande en conséquence à la Cour, sans trancher une controverse dynastique, qu'il n'appartient pas à une juridiction de la Reépublique d'arbitrer, de déclarer recevable et bien fondée son action en reprise d'instance et en intervention forcée à l'encontre de Luis Alfonso Bourbon Martinez-Bordiu, d'infirmer la décision entreprise et d'interdire à l'intimé le port du titre de Duc d'Anjou et des armes pleines de France sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée.

    Sixte Henri de Bourbon Parme, appelant du jugement du 21 décembre 1988, conclut aux mêmes fins qu'Henri d'Orléans sans formuler de demande quant au port des armes pleines.

    Agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, Luis Alphonse Bourbon Martinez Bordiu, après le décès de son père survenu le 30 janvier 1989, Mme Rossi expose que Alphonse de Bourbon comme son fils ont porté le titre en litige comme titre de courtoisie, et qu'un tel usage est parfaitement licite.

    Elle fait valoir, comme en première instance, que le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun acte de collation, ni ne produit d'arrêté d'investiture de l'autorité compétente et que la demande tend en réalité à faire reconnaître au chef de la Maison d'Orléans, en sa qualité de chef de la Maison de France, le pouvoir d'octroyer des amrques d'honneur et de distinction, en violation des dispositions des art. 2 et 89 de la Constitution du 4 octobre 1958, selon lesquelles la France est une République, dont la forme républicaine du Gouvernmenet ne peut faire l'objet d'une révision.

    Elle en déduit que l'appelant est irrecevable en sa demande et n'établit pas au surplus que le port par un tiers du titre de Duc d'Anjou lui cause préjudice.

    Soulignant que les armes pleines de la Maison de France ont été, conformément au droit commun des armoiries, adoptées par les Bourbon d'Espagne, représentant la branche aînée de la Maison de Bourbon depuis la mort du Comte de Chambord le 21 août 1883, Mme Rossi réplique que ces armes ne sont plus, depuis une ordonnance du 14 août 1830, l'emblème de l'État français, mais constituent l'accessoire indispensable du nom d'Alphonse de Bourbon, puis de son fils et revêtent un caractère privé.

    Réfutant, comme inopérants, les moyens développés par l'appelant, elle conteste que sa demande puisse s'analyser en une reconnaissance de la Maison de Bourbon, ce terme traditionnel désignant, sans prétention à la Couronne de France, l'ensemble des descendants de Robert de Clermont, que les Bourbon Busset puissent prétendre à la qualité de branche aînée de la Maison de Bourbon, que cette qualité puisse être reliée à celle de dynastie, et que le port des armes pleines par la branche aînée de Bourbon d'Espagne résulte d'un usage constant.

    Elle demande en conséquence à la Cour de déclarer éteinte l'action d'Henri d'Orléans en ce qu'elle tend à prononcer des injonctions à l'égard d'un défunt, et de déclarer l'appelant irrecevable dans ses demandes tendant à interdire à son fils de porter le titre de Duc d'Anjou et d'arborer les armes pleines de la Maison de France.

    Après avoir rappelé qu'Henri d'Orléans ne justifie d'aucun arrêté d'investiture délivré par le conseil d'administration de la Chancellerie, le ministère public conclut à l'irrecevabilité de son action et fait observer qu'en tout état de cause, celle-ci aurait dû être exercée par le père de l'appelant.

    Cela étant exposé, la Cour,

    considérant que l'action en reprise d'instance exercée par Henri d'Orléans tendant nécessairement au même objet que celle soumise aux premiers juges, il convient, comme le sollicite à bon droit l'intimé, de déclarer éteinte par son décès l'action dirigée contre Alphonse de Bourbon et de statuer sur la seule demande, qualifiée à tort d'intervention forcée, visant à interdire à son fils Luis Alphonse de Bourbon, l'usage du titre de Duc d'Anjou et le port des armes pleines de la Maison de France ;

    Considérant qu'Henri d'Orléans reprend, en cause d'appel, les moyens qu'il avait déjà développés devant le Tribunal, qui, par des motifs que la Cour adopte, y a pertinnement répondú en procédant à une exacte application des règles de droit et à une juste appréciation des faits de la cause ; qu'en effet les titres nobiliaires, s'ils suivent en général les règles applicables au nom patronymique, ne peuvent s'acquérir par le simple usage même prolongé et doivent faire l'objet d'un arrêté d'investiture pris par le Garde des Sceaux en application de l'acte qui les a conférés à l'origine ; qu'en l'espèce le titre de Duc d'Anjou porté par Philippe V jusqu'à son accession au trône d'Espagne en 1700, concédé pour la dernière fois par Louis XV à son deuxième petit-fils, Louis Stanislas Xavier, futur Louis XVIII, puis aboli par le décret du 19 juin 1790 de la Constituante, n'a jamais fait l'objet, depuis cette date, d'une collation ; qu'en conséquence Henri d'Orléans, fils aîné du Comte de Paris, lequel n'a pas cru devoir intervenir à l'instance, ne détient ni ne revendique le titre de Duc d'Anjou et ne peut introduire, faute d'intérêt, une action en justice pour s'opposer à toute usurpation d'un titre sur lequel il n'établit pas ses droits ; qu'il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de rechercher si l'usage de ce titre par l'intimé était légitime et constant, au risque de créer une confusion, inexistante en l'espèce, puisque Henri d'Orléans n'a jamais porté ce titre ; que pour les mêmes motifs, l'intervention de Sixte Henri de Bourbon Parme doit être également déclarée irrecevable ;

    Considérant que les armes pleines constituées de « Trois fleurs de lis d'or en position deux et un sur champ d'azur», ont été celles de la France jusqu'à l'avènement du roi Louis Philippe, qui les a remplacées, par une ordonnance du 14 août 1830, par les armes brisées d'Orléans ; que les armes pleines de France, devenues ainsi des emblèmes privés constituent des accessoires du nom, auquel elles se rattachent et doivent être considérées comme un attribut de famille et soumises à la même protection que le nom lui-même ;

    Considérant dès lors qu'Henri d'Orléans, qui ne peut soutenir avec pertinence que Louis Alphonse de Bourbon utiliserait le symbole de la France, ne peut se prévaloir d'une usurpation abusive dès lors qu'il n'allègue ni ne démontre que le port de ces armes sans brisures, qui résulte d'un usage manifeste et constant par les Bourbon d'Espagne depuis plus d'un siècle, puisse être à l'oriigne pour lui et sa famille d'un préjudice actuel et certain ; qu'il s'ensuit que son action est irrecevable.

    Par ces motifs.—Confirme le jugement entrepris ; y ajoutant, déclare éteinte l'action d'Henri d'Orléans en ce qu'elle tend au prononcé d'injonctions à l'égard d'Alphonse de Bourbon ; déclare irrecevable Henri d'Orléans en ses demandes de port de titre et d'armoirie ainsi que Sixte Henri de Bourbon Parme en son intervention ; laisse à Henri d'Orléans et à l'intervenant la charge des dépens d'appel.

    MM. Gelineau-Larrivet, Vengeon, prés. Ch. ; Brissier, Mme Hannoun, cons. ; M. Alzuyeta, av. gén. ; — Mes Trousset, Varaut, Foyer, av. ; Valdelièvre, S. C. P. Tazé-Bernard et Belfayol, avoués.

    Commentaires de G. Poulon

    NOTE - La Cour de Paris a été saisie par les appels du comte de Clermont et du prince Sixte de Bourbon Parme ainsi que par la demande en reprise d'instance formée contre le prince Louis-Alphonse de Bourbon, à la suite du décès de son père, du litige les opposant à ce dernier, Alphonse de Bourbon, duc de Cadix et « duc d'Anjou ». On se rappelle que le prince Henri d'Orléans, comte de Clermont, fils aîné du Comte de Paris et descendant de Monsieur, duc d'Orléans, frère de Louis XIV, avait demandé au Tribunal de grande instance de Paris d'interdire à son cousin, le duc de Cadix, descendant de Louis XIV et de Philippe, duc d'Anjou, deuxième petit-fils du Grand Roi, devenu roi d'Espagne sous le nom de Philippe V, de porter le titre de duc d'Anjou. Le Tribunal, par son jugement du 21 décembre 1988, a déclaré irrecevable dans cette demande en usurpation de titre le comte de Clermont aux motifs que, ne détenant pas le titre de duc d'Anjou qu'au surplus il ne revendiquait pas, il n'établissait pas ses droits sur le titre litigieux et que la survivance de celui-ci ne pouvait être vérifiée que par le Garde des Sceaux, après avis du conseil d'administration de la Chancellerie, conformément aux textes en vigueur.

    Le Tribunal, soupçonnant que le procès en usurpation de titre pouvait cacher l'arrière-pensée de faire proclamer par une juridiction de la République les prétentions d'un prince capétien à la Couronne de France, avait pris soin de dire, qu'il ne lui appartenait pas d'arbitrer quelque différend dynastique que ce soit. Il n'avait pas à déclarer qui était ou pouvait être « roi de France ». M. l'avocat général Alzuyeta a, dans ses conclusions, devant la Cour, rappelé que nos « anciens » du Parlement de Paris, avaient rendu en 1589 une décision gr estimant que le souverain légitime de la France était l'infante d'Espagne Isabelle-Claire-Eugénie, fille du roi d'Espagne Philippe Il et de la princesse Élisabeth de France ». Ce disant, cette juridiction avait excédé ses attributions. « Il n'a jamais été dans le pouvoir des juges en France de désigner le gouvernement légitime ». M. l'avocat général Alzuyeta relevait à titre anecdotique que, dans le cas où la décision du Parlement de Paris effet été suivie d'effet, le prétendant actuel au trône de France ne serait ni le duc de Cadix ni le comte de Paris, mais le duc de Bavière, descendant de l'infante Catherine, soeur cadette d'IsabelleClaire-Eugénie' M. l'Avocat général donnait' si besoin était' tous apaisements à la Cour d'appel de Paris en l'assurant qu'elle était dans ses attributions en statuant sur la demande qui lui était soumise. « Il n'y a plus de trône en France ». Certes, mais une ombre de trône et peut-être suffit-il que ce procès entre deux princes capétiens en reçoive comme un changement de lumière pour que la demande en usurpation de titre présentée par l'un d'eux ne soit pas une demande tout à fait comme une autre.

    Il faut donc bien évoquermême sommairement ce qui en fait le fond historique (1) Charles Il d'Espagne ayant légué sa couronne à son petit-neveu le duc d'Anjou, mais en stipulant que les deux monarchies française et espagnole ne seraient jamais réunies, Louis XIV accepta le testament tout en déclarant par lettres patentes de décembre 1700 qu'il maintenait son petit-fils et ses descendants mâles dans leurs droits au trône de France. La guerre dite de Succession d'Espagne s'ensuivit.

    Elle se termina par les traités de Radstadt et d'Utrecht (1713-1714), Les couronnes de France et d'Espagne seraient à jamais separées, comme l'avait voulu Charles Il et le duc d'Anjou, devenu Philippe V en Espagne renonçait solennellement devant les Cortes pour lui et ses descendants à la succession de France. Cette renonciation, confirmée par lettres patentes de Louis XIV, fut enregistrée par le Parlement de Paris, le 11 mars 1713. Etait-elle valide au regard des lois fondamentales du royaume ? Le Roi, en France, n'est que le dépositaire de la Couronne, il ne peut en disposer. Il la reçoit et il la transmet. La monarchie française n'est pas héréditaire, mais successive. Le procureur général d'Aguesseau, le futur chancelier, avait soutenu devant le Parlement la nullité des renonciations. La politique prima-t-elle le droit ? Celui-ci ne devait-il pas être sacrifié à la paix de l'Europe ? Charles Maurras, théoricien de l'empirisme organisateur, a souvent raillé ce qu'il appelait le panjurisme démocratique. Louis XIV, héritier d'antiques vertus bourgeoises de bon sens, ne versa pas dans le panjurisme monarchique. Les princes d'Anjou étant devenus espagnols « sans esprit de retour », les princes d'Orléans prirent à la Cour rang et place de premiers princes du sang. La Constituante, certes réservera, et dans la Constitution de 179 1, les droits éventuels des Bourbons d'Espagne, ce, dans un esprit de faction anti-orléaniste. Mais la Restauration maintint aux princes d'Orléans leur rang et leur place, nonobstant toutes les rancoeurs qu'elle pouvait nourrir contre les fils de Philippe Egalité. Ce n'est qu'en 1883, à la mort du comte de Chambord, dernier représentant de la branche aînée des Bourbons de France que se manifestèrent ceux qu'on a appelés les Blancs d'Espagne. Henri V avait certes proclamé que son héritier était connu, qu'il n'avait pas à le désigner, que c'était celui que la Providence « lui imposait ». Henri V faisait contre mauvaise fortune bon coeur, mais il déclarait que les princes d'Orléans, étaient ses fils. Ouelques intraitables offrirent alors la couronne de France à l'aîné des Bourbons d'Espagne, Don Juan, comte de Montezon, en arguant de la nullité des actes de renonciation et en invoquant le fait qu'isabelle Il avait, en épousant son cousin, Don François d'Assise, apporté la couronne d'Espagne à une branche cadette de sa maison, ce qui excluait la réunion des deux couronnes sur une même tête. Don Juan, dit Jean lII par ses partisans, ne semble pas avoir fait beaucoup de gestes pour les encourager. Son fils, don Jaime de Bourbon, duc de Madrid, qui releva le titre de duc d'Anjou, dénia, le premier, aux Orléans les droits qu'ils assumaient. Après lui, son oncle Alphonse, duc de Saint-Jacques, soutint surtout ses prétentions au trône d'Espagne dans les guerres cartistes. Il mourut en 1936 sans postérité. Alphonse XIII devenait légitimement parlant, roi d'Espagne et de France. Le duc de Ségovie, son fils ainé et le duc de Cadix, fils aîné du duc de Ségovie, ont depuis, ostensiblement porté, au moins en France, le titre de duc d'Anjou, sans émettre d'ailleurs d'autres prétentions que celles tout à fait évidentes d'être dans l'ordre de primogéniture mâle les descendants directs d'Hugues Capet.

    Qu'a demandé à la Cour le comte de Clermont ? Premièrement, de dire qu'il a un intérêt à faire juger que le titre de duc d'Anjou n'appartient plus aux descendants de Philippe V depuis son avènement au trône d'Espagne, deuxièmement que ce titre dépend exclusivement de la Maison de France, troisièmement que le prince Louis Alphonse fils du duc de Cadix n'a pas qualité pour le porter en France. Le Comte de Clermont étant demandeur à l'action et devant justifier des droits qu'il prétend être usurpés, la Cour, comme le Tribunal, n'a pu qu'inverser l'ordre au moins des deux premières questions pour leur faire réponse.

    Il est constant que les titre de noblesse abolis par la révolution, rétablis ensuite, abolis à nouveau sous la seconde république, ont été rétablis une seconde fois par le décret impérial du 2 7 janvier 1852. La Ille République a-t-elle oublié de les supprimer définitivement ? Toujours est-il que pour être aujourd'hui régulièrement portés et, en tout cas, pour être produits dans les actes officiels, ils doivent faire l'objet d'un arrêté d'investiture pris par le Garde des Sceaux sur l'avis du conseil d'administration de la Chancellerie en application de l'acte qui les a conférés. Un titre peut être défendu contre toute usurpation par celui qui' y a un intérêt certain, c'est-à-dire en disposer lui-même dans ces conditions ou faire partie d'une famille à laquelle a été de la même façon exclusivement reconnue cette distinction honorifique. Tel est le droit positif résultant du décret précité ainsi que des arrêtés du 8 janvier 1859 et du 10 janvier 1872. Il est non moins constant que le titre de duc d'Anjou, après que le petit-fils de Louis XIV fut devenu roi d'Espagne, a fait retour à la Couronne de France. dès lors qu'il a été conféré par Louis XIV en 1710 au futur Louis XV, qu'il fut encore donné au second fils de ce roi, par lettres patentes d'avril 1771. Louis XV a une dernière fois conféré ce titre à son deuxième petit-fils, le futur Louis XVIII. Le 3 mai 1771, le Parlement de Paris enregistra la collation du titre et la constitution en apanage du duché d'Anjou pour Louis-Stanislas-Xavier et ses descendants mâles, le retour à la couronne étant stipulé conformément à la nature des apanages et aux lois du royaume, dans le cas où la postérité mâle de l'apanagiste viendrait à s'éteindre. La Cour de cassation juge que les titres nobiliaires doivent être «maintenus dans le caractère qui lui a été donné à l'origine en tant qu'il est compatible avec l'état social et dans les conditions de transmissibilité qui lui ont été imposés par l'acte de création,»: Cass. civ. 25 octobre 1898 (D.P. 1899. 1. 168). La transmissibilité du titre de duc d'Anjou a été fixée par les lettres patentes précitées. Au demeurant, la règle était dans l'ancien drott que les titres de noblesse restaient dans la descendance mâle du titulaire et n'étaient pas transférés de droit aux collatéraux qui ne pouvaient porter le titre vacant qu'en obtenant une nouvelle investiture. L'apanage d'Anjou ayant fait retour à la Couronne du fait de l'accession au trône de Louis XVIII, le titre correspondant n'a plus été conféré depuis.

    Il résulte de ce rappel des principes et des faits que si le Tribunal et la Cour avaient dû examiner en premier lieu la question : « Est-ce que le titre de duc d'Anjou appartient aux descendants de Philippe V ? », ils n'auraient pu que constater qu'aucune collation du titre n'avait été faite à ces derniers par le chef de l'État, roi, empereur ou président, qu'aucun arrêté d'investiture n'avait été sollicité, que bien plus, lorsqu'un prince de la maison d'Espagne, Marie-François de Bourbon y Castelvy, frère de Don Juan de Bourbon, comte de Montezon, à qui s'était joint le duc de Madrid, intenta une action à Louis-Philippe-Robert, comte de Paris, une action de même nature que celle introduite par le comte de Clermont contre le duc de Cadix, il s'entendit répondre par le Tribunal de la Seine, dans son jugement du 28 janvier 1897, que le titre de duc d'Anjou n'appartenait plus aux descendants de Philippe V. Ils auraient pu relever que le comte de Barcelone, chef dynastique de la maison royale d'Espagne, a estimé, dans une lettre au ministre de la Justice de son pays en date du 5 janvier 1972, qu'il lui semblait « très mauvais que des titres ... français soient revendiqués par des membres de la famille royale espagnole » à laquelle nul ne conteste qu'appartient le duc de Cadix. Mais, dès lors que le Tribunal, puis la Cour, devaient dans l'espèce présente examiner d'abord les droits du demandeur sur le titre litigieux pour pouvoir conclure à son usurpation par le défendeur, le comte de Clermont ne pouvant, dans les termes du droit positif, justifier, non plus que le duc de Cadix s'il avait eu à le faire, de la détention de ce titre qu'au reste il ne revendiquait pas, il apparaissait que son action avait peu de chance de prospérer. Le fait qu'en outre il avait soutenu que le chef de la maison de France, autrement dit son père, le comte de Paris, non présent dans l'instance, avait seul vocation à attribuer le titre litigieux actuellement disponible, ne pouvait être pris en considération par les juges, la maison de France n'ayant pas le caractère d'une entité juridique et la qualité de chef de cette Maison, alors qu'elle serait susceptible d'entraîner des effets de droit, ne pouvant être en l'état actuel reconnue.

    Comment sortir de ce qui- pourrait sembler à d'aucuns une impasse ? M, l'avocat général Alzuyeta avait, peut-être, dans ses très remarquables conclusions, indiqué une piste. « Il y aurait peut-être, écrivait-il, une autre manière d'envisager le titre de duc d'Anjou. Il s'agit de l'un des titres portés par la famille royale avec le duc de Bourgogne, duc de Berry, duc d'Orléans et d'autres, Or, les membres de la famille royale formaient en France une entité propre, lis n'appartenaient pas à la noblesse, Leurs titres n'étaient pas des titres de noblesse ». Cette piste n'est cependant qu'une amorce et elle tourne court, car, ajoute M. l'avocat général, « les titres ont disparu avec la royauté et les plaideurs se battraient pour rien ». Procès kafkaïen ! Mais si ces titres restaient des souvenirs historiques faisant partie d'un patrimoine moral familial?... N'y aurait-il pas pour ceux qui s'en réclament un intérêt certain à les défendre ? Toute famille, tous les membres de toute famille ont ce droit, A plus forte raison la famille qui se déclare « maison de France »' maison, dans l'ancienne acception du terme ne signifiant rien que famille. Mais cela admis, eût-il encore fallu pouvoir faire juger que le duc de Cadix auquel il était reproché d'avoir usurpé le titre (ou souvenir) défendu, appartenait à une branche devenue étrangère à la famille de France et que les princes d'Orléans se trouvaient de ce fait en France seuls représentants français, n'ayant jamais cessé de l'être, de cette famille qui, lorsqu'elle régna sur le pays avec lequel elle formait un corps indissociable, n'avait d'autre nom que celui de ce pays, ce qui aurait manifesté l'identité, en l'occurrence, d'un patrimoine familial et du patrimoine national, le titre d'Anjou n'étant pas un titre de noblesse, mais un titre d'apanage lié à l'Histoire de France. Exorcisée, l'ombre du trône eût alors risqué de réapparaître. Le procès que la Cour de Paris a jugé sub specia temporis, ne peut que rester pendant devant les instances étemelles.

    Sur le port des armoiries,

    Il a été mis en évidence tant par la Cour que par le Tribunal que les armoiries sont des marques de reconnaissances accessoires du nom de famille, noble ou non noble. Il s'ensuit qu'elles jouissent de la même protection que le nom lui-même et obéissent aux mêmes règles.

    Quelques observations :

    Les armes pleines en litige constituées de « trois fleurs de lis d'or en position 2 et 1 sur champ d'azur » ne sont pas à l'origine les armoiries de la maison de Bourbon. Et elles n'ont pas été celles de France seulement sous le règne des Bourbons. C'est, semble-t-il, sous le roi Louis VII au XIIe siècle et plus exactement sous Charles V au XIVe siècle qu'elles ont été fixées. Donc bien antérieurement à l'accession de la famille de Bourbon au trône. Les Valois, puis les Bourbons devenant rois ont abandonné leurs armes pour celles de France. Après 1830, ces armoiries ne sont plus le blason de la France. Elles sont emblèmes privés. Cependant, symboliquement, elles continuent de figurer notamment sur le fronton du grand portail d'entrée du Palais de Justice qui fut le Palais de Saint Louis. Elles font toujours partie, ne serait-ce qu'à titre de souvenir, du patrimoine national.

    En 1883, à la mort du comte de Chambord, les Orléans qui, en tant que branche cadette, avaient introduit la brisure dans les armes de France, ont arboré les armes pleines. Ils les portent depuis sans interruption, continûment et ouvertement. Les Bourbons d'Espagne portent les armes de France associées aux armes d'Espagne. Si depuis 1883, certains de ces princes ont pu porter ou portent les armes pleines de France, ce n'est, apparaît-il, que dans certaines circonstances non officielles, d'une manière non ouverte, non continue, cumulativement, en tout cas, avec les armes écartelées d'éléments d'Espagne.

    G. POULON